Les 10 Légendes structurantes d’Israël
1. Au XIXe siècle, avant l’arrivée des Juifs européens, la Palestine n’était pas incultivée. 2. Les immigrants juifs ne descendaient que très partiellement des Hébreux de l’époque romaine. 3. Sionisme et judaïsme ne sont pas des notions équivalentes. Tous les Juifs, et notamment les orthodoxes, ne sont pas sionistes. 4. Le sionisme est bien une forme de colonialisme. 5. L’exode des Palestiniens pendant la guerre de 1948 fut principalement causé par les exactions israéliennes. 6. La guerre de 1967 fut largement anticipée, voire souhaitée, par les dirigeants israéliens. 7. L’Etat juif qui impose une forme d’apartheid aux Palestiniens n’est pas démocratique. 8. Le pseudo-« processus de paix » engagé à Oslo en 1993 ne pouvait pas aboutir. 9. La résistance du Hamas à Gaza n’est pas condamnable en elle-même. 10. La solution, dite à 2 Etats, est impraticable et malhonnête.
Ancien du Parti communiste israélien, Ilian Pappe a dû s’exiler en Angleterre où il enseigne à l’Université d’Exeter depuis 2006. Il soutient le mouvement BDS, participe au Tribunal Russell et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ce conflit qui empoisonne le Moyen-Orient depuis des décennies.
216 pages – Prix en France : 11 €.
Invité par l’Union française juive pour la paix, Ilan Pappe parlera de son livre le vendredi 20 janvier à 20 heures (salle de l’AGECA, 177 rue de Charonne, Paris 20e. Métro : Alexandre-Dumas).
Prix : 11.00€
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Extrait de la Préface
L’histoire est au cœur de tout conflit. Une compréhension véritable et impartiale du passé offre des possibilités de paix. La déformation ou la manipulation de l’histoire, en revanche, ne fait qu’amplifier le désastre. Comme le montre l’exemple du conflit israélo-palestinien, la désinformation historique, même sur le passé le plus récent, peut causer d’énormes dommages. Cette incompréhension délibérée de l’histoire peut favoriser l’oppression et protéger un régime de colonisation et d’occupation. Il n’est donc pas surprenant que les politiques de désinformation et de déformation se poursuivent jusqu’à aujourd’hui et jouent un rôle important dans la perpétuation du conflit, laissant très peu d’espoir pour l’avenir. Les erreurs construites sur le passé et le présent en Israël et en Palestine nous empêchent de comprendre les origines du conflit. Dans le même temps, la manipulation constante des faits va à l’encontre des intérêts de toutes les victimes des effusions de sang et des violence actuelles. Alors que faire ?
Le récit historique sioniste de la façon dont la terre contestée est devenue l’État d’Israël repose sur un ensemble de légendes ou de mythes qui contredisent subtilement les droits moraux des Palestiniens. Souvent, les médias grand public et les élites politiques occidentales acceptent cet ensemble de mythes comme une vérité donnée, qui justifient les actions israéliennes au cours des quelque soixante dernières années. Le plus souvent, l’acceptation tacite de ces mythes sert à expliquer la réticence des gouvernements occidentaux à intervenir de manière significative dans un conflit qui dure depuis la fondation de la nation.
Ce livre remet en question ces légendes, qui apparaissent dans le domaine public comme des vérités indiscutables. Ces affirmations sont, à mes yeux, des déformations et des fabrications qui peuvent – et doivent – être réfutées replaçant chaque mythe en face de la vérité historique, chaque chapitre exposant les faiblesses des idées reçues à travers un examen approfondi des dernières recherches historiques. Il fait un sort à dix mythes fondamentaux, ou groupes de mythes, bien connus et familiers à toute personne ayant à connaître d’une manière ou d’une autre de la question israélo-palestinienne. Les mythes et les contre-arguments suivent un ordre chronologique.
Le premier chapitre décrit la Palestine à la fin du XIXe siècle. Ici, le mythe consiste en la représentation de la Palestine comme d’une terre vide, aride, presque désertique, qui n’aurait commencé à être cultivée qu’à l’arrivée des sionistes. Le contre-argument révèle une société préexistante florissante, soumise à des processus accélérés de modernisation et de nationalisation.
Le mythe de la Palestine comme terre sans peuple a son corrélat dans le célèbre mythe du peuple sans terre, sujet du chapitre 2. Ces croyances insistent sur le fait que les Juifs arrivés en 1882 étaient les descendants des Juifs expulsés par les Romains vers l’an 70 de l’ère chrétienne. Le contre-argument remet en question ce lien généalogique. De nombreux travaux universitaires ont montré que les Juifs de la Palestine romaine sont restés sur place et se convertirent au christianisme, d’abord, puis à l’islam. La question de savoir qui étaient ces immigrants juifs reste ouverte – peut-être des descendants des Khazars convertis au judaïsme au IXe siècle ; ou peut-être que le mélange des races sur un millénaire empêche d’apporter une quelconque réponse à cette question. Plus important encore, je soutiens dans ce chapitre que, dans la période pré-sioniste, le lien entre les communautés juives du monde et la Palestine était religieux et spirituel, et non politique. Associer le retour des Juifs à la création d’un État, avant l’émergence du sionisme, fut un projet chrétien jusqu’au XVIe siècle, puis spécifiquement protestant (en particulier anglican). Le chapitre 3 examine de près le mythe qui assimile le sionisme au judaïsme (de sorte que l’antisionisme ne peut être décrit que comme de l’antisémitisme). J’essaie de réfuter cette équivalence par une évaluation historique des attitudes juives à l’égard du sionisme et une analyse de la manipulation sioniste du judaïsme pour des raisons coloniales et, plus tard, stratégiques. Le chapitre 4 traite de l’affirmation selon laquelle il n’y a aucun lien entre le colonialisme et le sionisme. Le mythe consiste ici à présenter le sionisme comme un mouvement « libéral » de libération nationale, alors que le contre-argument le décrit comme un projet colonialiste, voire colonisateur, semblable à ceux que l’on a observés en Afrique du Sud, dans les Amériques et en Australie. L’importance de cette réfutation réside dans le fait qu’elle modifie la façon dont nous pensons la résistance palestinienne au sionisme et, plus tard, à Israël. Si Israël n’est qu’une démocratie qui se défend, alors les organismes palestiniens tels que l’OLP sont des organisations purement terroristes. En revanche, si leur lutte est dirigée contre un projet colonialiste, ils s’intègrent alors dans un mouvement anticolonialiste, et leur image internationale sera très différente de celle qu’Israël et ses partisans tentent d’imposer à l’opinion publique mondiale. Le chapitre 5 revisite les mythologies bien connues de 1948, et vise en particulier à rappeler aux lecteurs comment l’affirmation d’un exode volontaire des Palestiniens a été ruinée avec succès par l’historiographie professionnelle. D’autres légendes associées aux événements de 1948 sont également abordées dans ce chapitre.
Le dernier chapitre historique (le 6) pose la question de savoir si la guerre de 1967 a été imposée à Israël qui n’avait donc « pas le choix » de la refuser. Je soutiens que cela faisait partie de la volonté d’Israël d’achever la prise de contrôle de la Palestine qui avait presque été achevée lors de la guerre de 1948. La planification de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza a commencé dès 1948 et s’est maintenue jusqu’à l’opportunité historique offerte par une décision stratégique égyptienne irréfléchie en juin 1967. Je montre en outre que les mesures prises immédiatement après l’occupation prouvent que l’entrée d’Israël dans la guerre n’était nullement accidentelle, mais attendue.
Le chapitre 7 nous ramène au présent. Israël est-il un État démocratique ou une entité non-démocratique ? Je plaide pour cette dernière hypothèse en examinant le statut des Palestiniens à l’intérieur d’Israël et dans les territoires occupés (qui, ensemble, représentent près de la moitié de la population gouvernée par lui). Le chapitre 8 traite du processus d’Oslo. Près d’un quart de siècle après la signature de l’accord, nous disposons d’un bon recul pour apprécier les erreurs liées à ce processus dont on peut se demander s’il s’agissait d’un accord de paix qui a échoué ou d’un stratagème israélien réussi pour étendre l’occupation. Une interprétation similaire peut maintenant être appliquée à la bande de Gaza et au mythe encore largement accepté selon lequel la misère de la population y est due à la nature terroriste du Hamas. Dans le chapitre 9, j’opte pour une interprétation différente de ce qui s’est passé à Gaza depuis le début du XXe siècle. Enfin, dans le chapitre 10, je remets en question le mythe selon lequel la solution à deux États est la seule voie possible. Nous avons la chance de disposer d’excellents ouvrages militants et universitaires qui critiquent cette formule et proposent d’autres solutions. Ils posent un redoutable défi à ce dernier mythe. Le livre comprend également une chronologie en annexe, qui aidera les lecteurs à mieux situer les arguments dans leur contexte.
J’espère que cet ouvrage sera utile, aussi bien au néophyte qu’au lecteur plus averti. Il s’adresse en premier lieu à toute personne désireuse de se forger une opinion sur ce sujet toujours d’actualité brûlante. Il ne s’agit pas exactement d’un livre « équilibré », mais d’une énième tentative de rééquilibrer le rapport de force en faveur des Palestiniens colonisés, occupés et opprimés sur les terres d’Israël et de Palestine. Je serais aussi ravi si les défenseurs du sionisme ou les partisans loyaux d’Israël étaient également disposés à discuter des arguments présentés ici. Après tout, ce livre est écrit par un Juif israélien qui se soucie de sa propre société autant que de la société palestinienne. Réfuter les mythologies qui entretiennent l’injustice devrait être bénéfique à toute personne vivant dans le pays ou souhaitant y vivre. Il constitue un socle sur lequel tous ses habitants pourront profiter un jour des grandes réalisations auxquelles seul un groupe privilégié a actuellement accès. En outre, ce livre se révélera, nous l’espérons, un outil profitable aux militants qui reconnaissent que la connaissance de la Palestine est aussi nécessaire que l’engagement envers la cause. Il ne remplace pas l’incroyable travail accompli par de nombreux universitaires au fil des ans, dont les contributions ont rendu possible la publication d’un tel ouvrage, mais il constitue un point d’entrée dans ce monde de la connaissance. Les étudiants et les universitaires pourront consulter ce livre s’ils se sont guéris de la plus grande infirmité du monde universitaire de notre époque : l’idée que l’engagement nuit à l’excellence de la recherche universitaire. Les meilleurs étudiants de premier cycle et de troisième cycle que j’ai eu le plaisir d’enseigner et de suivre les recherches étaient ceux qui étaient engagés. Ce livre n’est qu’une modeste invitation aux futurs chercheurs à quitter leur tour d’ivoire et à renouer avec les sociétés au nom desquelles ils mènent leurs recherches. Qu’ils écrivent sur le réchauffement climatique, la pauvreté ou la Palestine, ils devraient revendiquer fièrement leur engagement. Et si leurs universités ne sont toujours pas prêtes pour cela, elles devraient être assez avisées pour jouer au moins le jeu de la « recherche universitaire impartiale et objective » sur ces questions litigieuses, tout en étant bien conscientes de son caractère chimérique. Pour le grand public, ce livre présente une version simple d’un sujet qui peut souvent sembler extrêmement compliqué (comme certains de ses aspects le sont en effet), mais qui peut être facilement expliqué et abordé dans le cadre universel de la justice et des droits de l’homme. Enfin, mon espoir est qu’il clarifiera certains des profonds malentendus au cœur du problème israélo-palestinien, dans le passé et dans le présent. Tant que ces déformations et ces préjugés héritées du passé ne seront pas remis en question, ils continueront à fournir un bouclier d’immunité au régime inhumain actuel régnant sur la terre de Palestine. En examinant ces distorsions à la lumière des dernières recherches, nous pouvons voir à quel point elles sont éloignées de la vérité historique et pourquoi remettre les pendules à l’heure pourrait avoir un impact sur les chances de paix et de réconciliation en Israël et en Palestine.
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La question du Hamas
La victoire du Hamas aux élections générales de 2006 déclencha une vague de réactions islamophobes en Israël. À partir de ce moment, la diabolisation des Palestiniens en tant qu’ « Arabes » abhorrés a été renforcée par la nouvelle étiquette de « musulmans fanatiques ». Le langage de la haine s’est accompagné de nouvelles mesures agressives contre les Palestiniens qui ont aggravé la situation déjà lamentable et atroce régnant dans les territoires occupés. Il y eut d’autres flambées d’islamophobie en Israël dans le passé. La première à la fin des années 1980, lorsqu’un très petit nombre de travailleurs palestiniens (40 personnes sur une communauté de 150 000) fut impliqué dans des altercations à l’arme blanche contre leurs employeurs juifs et des passants. À la suite de ces attaques, des universitaires, des journalistes et des politiciens israéliens ont attribué ces agressions à l’Islam – religion et culture confondues – sans aucune référence à l’occupation ou au marché du travail asservissant qui s’est développé en marge de celle-ci. Une vague d’islamophobie beaucoup plus grave a éclaté pendant la deuxième Intifada en octobre 2000. Comme ce soulèvement militarisé était principalement mené par des groupes islamiques (utilisant des « kamikazés »), il fut plus facile pour les dirigeants politiques et les médias israéliens de diaboliser « l’Islam » aux yeux de nombreux Israéliens. Une troisième vague a surgi en 2006, à la suite de la victoire du Hamas aux élections du Parlement palestinien, avec les mêmes caractéristiques que les deux vagues précédentes. Comme je l’ai montré dans mon livre l’Idée d’Israël, entre 1948 et 1982, les Palestiniens ont été diabolisés par des comparaisons avec les nazis. Le même processus de « nazification » est maintenant appliqué à l’islam en général, et aux militants qui s’en réclament en particulier. Cela s’est poursuivi tant que le Hamas et son organisation-sœur, le Djihad islamique, furent engagés dans des actions militaires, de guérilla et de terreur. En effet, la rhétorique de l’extrémisme a effacé la riche histoire de l’Islam politique en Palestine, ainsi que les activités sociales et culturelles de grande envergure que le Hamas a entreprises depuis sa création. Une analyse plus neutre montre à quel point l’image diabolisée du Hamas comme groupe de fanatiques sans scrupules et démentiels est fausse.6 Comme d’autres mouvements de l’Islam politique, il est le produit complexe des dures réalités de l’occupation, et des réponses décontenancées, offertes par des forces palestiniennes laïques et socialistes dans le passé. Ceux qui avaient une analyse plus avertie de cette situation ne furent pas surpris par le triomphe du Hamas aux élections de 2006, contrairement aux gouvernements israélien, américain et européen. Il est paradoxal de constater que ce sont les experts et les orientalistes, sans parler des politiciens et des chefs des services de renseignements israéliens, qui furent surpris par ces résultats, plus que quiconque. Et ce qui abasourdit particulièrement les grands « islamologues » israéliens fut la nature démocratique de l’élection. Dans leur roman collectif, les musulmans, forcément fanatiques, n’étaient censés être ni démocratiques ni populaires. Ces mêmes experts font preuve d’une incompréhension similaire du passé. Depuis la montée de l’islam politique en Iran et dans le monde arabe, la communauté des experts en Israël s’est comportée comme si l’impossible se déroulait sous leurs yeux. Les malentendus, et donc les fausses prédictions, ont longtemps caractérisé l’évaluation israélienne des Palestiniens, en particulier en ce qui concerne l’état des forces politiques islamiques en Palestine. En 1976, le premier gouvernement Rabin avait autorisé la tenue d’élections municipales en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, espérant, à tort, que les anciens politiciens pro-jordaniens et pro-égyptiens seraient élus, respectivement en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Or, l’électorat a voté massivement pour les candidats de l’OLP. Ce qui a surpris les Israéliens, mais n’aurait pas dû. Après tout, l’expansion du pouvoir et de la popularité de l’OLP s’est déroulée parallèlement à un effort concerté d’Israël pour freiner, voire éliminer, les mouvements laïques et socialistes au sein de la société palestinienne, que ce soit dans les camps de réfugiés ou dans les territoires occupés. En 2009, Avner Cohen, qui a servi dans la bande de Gaza à l’époque où le Hamas avait commencé à prendre le pouvoir à la fin des années 1980, et qui était responsable des affaires religieuses dans les territoires occupés, déclara à l’époque au Wall Street Journal : « Le Hamas, à mon grand regret, est une création d’Israël. »
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La solution à deux États est-elle la seule option ?
Ce mythe familier est généralement prononcé d’une voix sûre, présenté comme une solution au conflit israélo-palestinien qui nous attend au coin de la rue. Cependant, la réalité de la colonisation actuelle de vastes parties de la Cisjordanie par Israël rend cette issue improbable. Au mieux, on peut espérer un bantoustan palestinien. Un tel arrangement politique créerait un État sans souveraineté propre, divisé en plusieurs cantons, sans aucun moyen de se protéger ou de se maintenir indépendamment d’Israël. L’espoir d’une entité plus indépendante, en cas d’évolution miraculeuse de la part d’Israël, ne constituerait pas le dernier acte de la pièce. Il est impensable qu’une lutte nationale de libération, vieille de près de cent cinquante ans, puisse se terminer par une autonomie conditionnelle sur seulement 20 % de la mère-patrie. En outre, aucun accord ou document diplomatique ne pourra jamais déterminer ce qui entre dans l’accord et ce qui n’y entre pas. Par exemple, il serait impossible de déclarer Palestiniens ceux qui vivent en Cisjordanie, et pas ceux qui vivent à Gaza, ce territoire et de nombreuses parties de Jérusalem étant pour l’instant exclues des négociations et ne devant pas être incluses dans la formule envisagée.
Cette solution à deux États, comme indiqué précédemment, est une invention israélienne destinée à résoudre la quadrature du cercle. Elle répond à la volonté de garder la Cisjordanie sous contrôle israélien sans incorporer la population qui y vit. D’où l’idée d’accorder une certaine autonomie à une partie de la Cisjordanie, devenue un quasi-État. En contrepartie, les Palestiniens devraient renoncer à tous leurs espoirs de retour, d’égalité des droits pour ceux qui vivent en Israël, du sort de Jérusalem, et de mener une vie normale en tant qu’êtres humains dans leur patrie.
Toute critique de ce projet est souvent taxée d’antisémitisme. Or, à bien des égards, c’est le contraire qui est vrai : il existe un lien entre le nouvel antisémitisme et le mythe lui-même. La solution des deux États repose sur l’idée qu’un État juif est la meilleure solution à la question juive, c’est-à-dire que les Juifs doivent vivre en Palestine plutôt qu’ailleurs. Cette notion est également chère au cœur des antisémites. La solution des deux États, indirectement devrait-on dire, est fondée sur l’identification d’Israël et du judaïsme. Ainsi, lorsqu’Israël affirme hautement que ses actions s’exercent au nom du judaïsme, lorsque celles-ci sont critiquées de par le monde, la critique se dirige non seulement vers Israël mais aussi vers le judaïsme. Un chef du Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn, s’était attiré de nombreuses critiques lorsqu’il expliqua, à juste titre à mon avis, que rendre le judaïsme responsable des politiques de Netanyahou, revenait à confondre l’islam et l’État islamique. Cette comparaison est valable, même si elle a heurté la sensibilité de certains.1
Cette « solution » est comme un cadavre qu’on sort de temps en temps de la morgue, qu’on habille joliment et qu’on présente comme un être vivant. Lorsqu’il a été prouvé une fois de plus qu’il n’y a plus aucune vie en lui, il est renvoyé dans son tiroir. La seule évolution possible serait que les Nations-Unies admettent la Palestine comme membre à part entière. Par ailleurs, nous pourrions également assister à l’achèvement de la prise de contrôle par Israël de la zone C (plus de 50 % de la Cisjordanie).
La mascarade prendra fin bientôt, pacifiquement ou violemment, mais dans tous les cas douloureusement. Il semble que rien n’empêchera Israël d’achever sa colonisation de la Cisjordanie et de poursuivre son siège de Gaza. Cela pourrait se faire avec la bénédiction de la communauté internationale, mais il y a suffisamment de politiciens en Israël qui semblent prêts à s’en passer si nécessaire. Dans les deux cas, Israël devra recourir à la force brutale pour annexer la moitié de la Cisjordanie, ghettoïser l’autre moitié ainsi que la bande de Gaza, et imposer une sorte d’apartheid à ses propres citoyens palestiniens. Une telle situation rendra tout discours sur la solution des deux États irréaliste et obsolète. Dans les temps anciens, les morts étaient enterrés avec les objets et les biens qui leur étaient chers. Les funérailles à venir suivront probablement un rituel similaire. L’élément le plus important en sera le dictionnaire de l’illusion et de la tromperie, avec des entrées telles que « Processus de paix », « Seule démocratie du Moyen-Orient », « Nation éprise de paix », « Parité et réciprocité » et « Solution humaine au problème des réfugiés ». Un dictionnaire de remplacement est en préparation depuis de nombreuses années, redéfinissant le sionisme comme du colonialisme, Israël comme un État d’apartheid et la Nakbah comme un nettoyage ethnique. Il sera beaucoup plus facile de le faire accepter une fois que la solution à deux États aura été déclarée caduque…