La Grande Discorde

Déclarations officielles, communications confidentielles, pamphlets corrosifs, articles diffamatoires, lettres aux intimes… et autres écrits réciproques, dégradants ou louangeurs.

La longue discorde, qui a longtemps  divisé, jusqu’à nos jours, les deux tendances, dites « autoritaire » et « libertaire » du mouvement ouvrier anticapitaliste, est illustrée par les textes écrits l’un contre l’autre par les deux rivaux de la Ire Internationale. On trouvera ici, soigneusement présentés et annotés, l’ensemble de ces écrits (de leurs premiers contacts en 1844 à la mort de Bakounine en 1876) qui formulèrent le mieux des positions qui opposaient autant les deux hommes que des fractions du prolétariat, toutes également résolues à bâtir un autre monde, débarrassé de l’exploitation capitaliste.

Nouvelle édition revue et actualisée.

Edition originale : Socialisme autoritaire ou libertaire. En 2 volumes. 1975, 10/18.

Nombre de pages: 572

Date de parution:

ISBN: 9782913112766

Prix : 22.00

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SOMMAIRE

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Premiers contacts (1844-1847).
Le printemps révolutionnaire de 1848.
L’affaire de la Nouvelle Gazette rhénane (juillet 1848).
Engels : « Le Panslavisme démocratique » (extraits).
Douze ans de captivité (1849-1861).
Suite des calomnies contre Bakounine (1853,1856,1862).
Expédition en Baltique.
Rencontre de Marx et de Bakounine (novembre 1864).
Bakounine, agent de Marx ? (1865).
Bakounine contre Mazzini ( 1865-1871).
Les congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté (sept. 1867 et 1868).
La Fondation de l’Alliance (sept.1868-juillet 1869).
La section de l’Alliance (1868-69).
Le Congrès de Bâle (été 1869).
Bakounine contre les juifs allemands (fin 1869).
Critique et contre-offensive du Conseil général (hiver 1869).
Scission dans la Fédération romande (printemps 1870).
Les relations Bakounine-Netchaïev (février-août 1870).
La guerre franco-allemande (été 1870).
L’insurrection lyonnaise (sept. 1870).
La Commune de Paris (mars-mai 1871).
La Conférence de Londres (sept. 1871).
Le Congrès de Sonvilier (nov. 1871).
Réactions de Bakounine après la Conférence de Londres.
Bakounine: « Rapports personnels avec Marx ».
Réactions des marxiens après le Congrès de Sonvilier(début 1872).
– Engels: « Le Congrès de Sonvilier et l’Internationale ».
Marx et Engels: « Les prétendues scissions dans l’Internationale.
Réponses des Jurassiens.
aux «Prétendues scissions» (juin 1872).
– Réponse du citoyen Bakounine.
Les préparatifs du Congrès de La Haye.
Le Congrès de La Haye.
– Réaction des bakouninistes après La Haye.
Bakounine : « Ecrit contre Marx ».
Réactions des marxistes après La Haye et Saint-Imier (fin 1872-1873).
Marx : « De l’indifférentisme en matière politique ».
Engels : « De l’autorité ».
Engels, Lafargue : « L’Alliance
de la démocratie socialiste et l’AIT ».
La faillite de l’Internationale,(fin 1873).
La Retraite politique de Bakounine (sept.-oct. 1873).
Polémique autour de l’Insurrection espagnole (novembre 1873).
Bakounine : « Marx critique d’Etatisme et anarchie ».
La fin de Bakounine (1874-1876).
La naissance du marxisme.
Postface.

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AVERTISSEMENT

Ces textes peu connus de Bakounine, de Marx, mais aussi d’Engels, de Guillaume, de Lafargue et d’autres, que l’on va lire, ont été compilés en leur temps par Georges Ribeill. S’ils ne comptent pas parmi leurs œuvres les plus abouties, ni les plus rééditées, ils reflètent utilement le fond de la querelle qui divise depuis l’origine les deux grands courants du socialisme (les marxistes dans leurs nombreuses nuances, et les anarchistes, partisans de la spontanéité), avec un point d’achoppement majeur : la question de l’extinction de l’Etat, objectif commun aux deux courants, sauf que si les anarchistes pensent possible une abolition immédiate, remarquant qu’un Etat ne peut organiser sa propre disparition, les marxistes jugent indispensable une transition étatique pour y parvenir.

Cette querelle se double de celle de l’organisation : doit-elle préfigurer la société socialiste à venir, ou bien se constituer en parti structuré, dirigé par un corps spécialisé qui en définit les objectifs et la tactique ? les anarchistes s’opposant à la construction d’un tel parti, à la différence des marxistes. Dans ces polémiques effrénées tenues au sein de la première Internationale, les tenants de deux blocs, « autoritaires » et « anti-autoritaires » (ou « libertaires »), faisaient flèche de tout bois contre leurs adversaires. La dent dure, quoique savoureuse (quand on n’en faisait pas les frais), avec laquelle Marx pourfend Bakounine ne surprendra pas. Mais on s’étonnera des principes très carbonaristes de la Fraternité révolutionnaire du libertaire russe qui aurait surpris même un bolchévique et dans lequel il s’affirme, paradoxalement, plus directif, dictatorial, que le leader allemand de l’Internationale, plus réaliste et calculateur. Fort heureusement, ce programme organisationnel fondé sur une « discipline de fer », et rédigé sous l’influence de Netchaïev, n’a jamais connu le moindre commencement de mise en œuvre.

On s’effarera ailleurs des tirades antijuives, même si elles ont restées inédites, d’un Bakounine excédé par les attaques de Marx et de certains de ses amis, ainsi que des couplets incendiaires d’Engels contre les Slaves du Sud, accusés indistinctement d’être contre-révolutionnaires. On verra aussi que les deux courants pouvaient verser à l’occasion dans le nationalisme, voire le pangermanisme ou le panslavisme. « Les Français ont besoin d’être rossés », écrivait Marx à l’orée de la guerre de 1870, avant de défendre vigoureusement la Commune l’année suivante. Les uns et les autres n’échappaient pas à leur époque.
On verra aussi que Marx, non content de calomnier son rival, avait aussi dissimulé les preuves de son innocence dans l’affaire de la traduction du Capital, travail commencé par Bakounine, mais abandonné sur le conseil de Netchaïev, qui en profita pour empocher l’argent que Bakounine devait rendre à l’éditeur, non sans avoir menacé celui-ci de mort. Sans parler du long pensum écrit par Engels et Lafargue, qui ont l’un et l’autre écrit de bien meilleurs textes quand ils ne polémiquaient pas ad hominem. Ce livre établit la vérité sur tous ces points de façon irréfutable, documents à l’appui. A moins que de nouveaux textes surgissent, ce qui est peu probable, on peut dire qu’on a là la version définitive de l’histoire du conflit Bakounine-Marx.

Aujourd’hui, la grande opposition entre les courants qui s’inspiraient des deux penseurs, qui s’était exacerbée notamment lors de la révolution russe, puis du « bref été de l’anarchie » de l’Espagne en 1936, s’est un peu atténuée. D’autres combats sont venus s’ajouter aux luttes économiques de la classe ouvrière et des salariés en général : les combats des femmes et ceux relatifs à la question désormais brûlante de la dégradation accélérée des conditions de vie sur la planète, qui touche en priorité les régions les plus pauvres. Ces luttes peuvent et doivent faire leur jonction. Le sentiment que le capitalisme doit être détruit par tous les moyens, hors ceux contraires à nos principes bien sûr, progresse rapidement hors des écologistes les plus radicaux. Reste évidemment la question de ce qui va lui succéder.

A cet égard, le bilan désastreux des Etats qui se sont réclamés du communisme au cours du xxe siècle pèse évidemment sur la structuration théorique des vastes mouvements contestataires multiformes qui secouent le monde. Il est clair pourtant que les combats futurs devront se coordonner à l’échelle mondiale pour avoir une chance de surmonter les graves catastrophes qui nous attendent. L’ « écosocialisme » pourrait être un mot d’ordre rassembleur, s’il n’était en voie de récupération accélérée par divers politiciens de gauche. On lui préférera la bonne vieille idée de « République universelle », qui ne pourra être que socialiste, forcément.

Divers mouvements de masse récents, tel le soulèvement anti-religieux des Iraniens de 2022, ont montré que l’on pouvait avec une relative efficacité, aidé par les moyens modernes de communication électronique, mener et coordonner des manifestations à l’aide d’organisations horizontales, malgré la répression. Pourraient-elles constituer un élément susceptible de résoudre le vieux conflit entre centralistes et spontanéistes ? Si un centre révolutionnaire tel que la IIIe Internationale n’est ni souhaitable ni d’ailleurs possible, on sait aussi que la spontanéité doit souvent bénéficier d’un minimum d’organisation, d’un cadre théorique au moins qui fasse le lien avec les luttes du passé et trace des perspectives. Les nouvelles données technologiques permettront-elles de dépasser cette « grande discorde » qui a déchiré le mouvement ouvrier révolutionnaire depuis ses origines ? C’est en tout cas dans une perspective synthétique entre communisme et anarchisme, intégrant écologisme, antisexisme et antiracisme, que nous rééditons cette somme, très favorable par ailleurs au révolutionnaire russe, sur les coulisses et le détail des conflits qui ont agité la première tentative d’organisation des ouvriers du monde. Grâce à ce travail patient de mise en regard des différentes positions au fur et à mesure de l’avancée de cette farouche querelle, le lecteur pourra se forger sa propre opinion, à toutes fins utiles.

Les éditeurs

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